Bien que l’essor de l’intelligence artificielle apparaisse aujourd’hui comme une solution prometteuse pour de nombreuses entreprises — qu’il s’agisse d’améliorer la prise de décision, d’analyser des données ou d’optimiser l’efficacité opérationnelle — cette technologie entraîne aussi une consommation énergétique importante. On vous dit tout sur son impact environnemental et les solutions envisageables pour réduire son empreinte carbone quand on l’utilise.
Le coût énergétique de l’intelligence artificielle
Pourrions-nous doubler la production de voitures sans élargir les routes ? Ou générer un volume massif d’informations confidentielles sans renforcer la cybersécurité ?
C’est tout le paradoxe de l’intelligence artificielle : une montée en puissance technologique portée par des systèmes encore mal adaptés aux exigences de la transition énergétique. Alors, peut-on vraiment parler de durabilité si cette révolution se poursuit sans transformation profonde de nos modèles énergétiques ?
L’impact énergétique de l’IA est bien plus important qu’il n’y paraît à première vue. En effet, entraîner ces modèles et faire fonctionner d’immenses centres de données nécessite une quantité d’énergie considérable. Sans parler non plus de toutes les ressources en eau, métaux, minéraux et en infrastructures (réseaux, terminaux) qu’elle nécessite.
Par exemple, entraîner un modèle de langage avancé comme ChatGPT génère une empreinte carbone comparable à celle de 125 vols aller-retour entre New York et Pékin.
Ou encore l’équivalent des émissions de cinq voitures sur l’ensemble de leur cycle de vie — fabrication et utilisation comprises — selon une étude pionnière menée en 2019 par Emma Strubell et son équipe à l’Université du Massachusetts Amherst (États-Unis), visant à quantifier la pollution générée par l’IA.
Aujourd’hui, l’entraînement de GPT-3, la troisième génération de ces modèles de prédiction du langage, nécessite jusqu’à 78 437 kWh, selon l’Institut de l’ingénierie d’Espagne. Ce qui équivaut à la consommation énergétique d’un lave-linge fonctionnant une fois par jour pendant plus de 215 ans !
De plus, l’utilisation pratique de ces modèles, ce que l’on appelle l’inférence — le processus par lequel un modèle déjà entraîné fait des prédictions ou prend des décisions sur de nouvelles données — représente entre 70 % et 80 % de la consommation énergétique totale associée à l’IA.
Ce défi s'est d'autant plus aggravé avec l'avancée de la technologie. C'est pourquoi, prioriser l'efficacité énergétique et la durabilité est plus que jamais essentiel.
Derrière cette consommation colossale, un acteur-clé : les centres de données
Les processus les plus gourmands, comme l'entraînement de modèles complexes et leur utilisation en temps réel, requièrent d’énormes quantités d’électricité.
Les centres de données concentrent une grande part de la consommation énergétique liée à l’intelligence artificielle. Selon un rapport de Global Data Usage de l’IDC, plus de 20 exaoctets de données ont été traités chaque jour dans le monde en 2023 (une activité qui aurait nécessité environ 36,5 TWh d’électricité sur l’année, soit près de 8 % de la consommation annuelle française).
Bien que ces chiffres apparaissent très élevés, il est important de les replacer dans leur contexte car il existe également d’autres secteurs industriels qui consomment encore plus.
Cependant, en Europe, les opérateurs de centres de données et les institutions du secteur progressent en matière d'efficacité énergétique : ils se sont engagés à rendre leurs installations climatiquement neutres d'ici 2030.
Conscients des enjeux environnementaux liés à cette consommation énergétique, le Ministère de la Transition écologique a tenu à implémenter un cadre législatif innovant pour promouvoir la durabilité dans le secteur de l’IA. En février 2025, ils ont ainsi collaboré avec l’Afnor pour réaliser un référentiel général pour l’IA frugale.
Ce référentiel aide les organisations qui développent des solutions d’IA à mesurer leur impact sur l’environnement et à adopter des gestes plus responsables. Il recommande, dès le début du projet, de concevoir des systèmes plus économes, de mieux gérer les données et d’optimiser le code pour consommer moins d’énergie.
Par ailleurs, dans le cadre de la Stratégie Nationale pour l’Intelligence Artificielle (SNIA), le ministère a investi 40 millions d’euros sur cinq ans à pour tester des solutions technologiques sobres en énergie au service de la transition écologique. Parmi elles, des logiciels pour identifier des zones propices à la végétalisation urbaine ou analyser les déplacements afin d'optimiser la qualité de l’air notamment.
La France entend s’imposer comme un leader de la souveraineté technologique durable, en misant sur la coopération internationale. Lors du Sommet mondial pour l'Action sur l'IA, organisé en février 2025, elle a lancé, en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’Union internationale des Télécommunications (UIT), une coalition ambitieuse pour une intelligence artificielle respectueuse de l’environnement.
Une initiative qui rassemble des acteurs publics, privés et académiques autour d’un objectif commun : élaborer des standards internationaux pour une IA durable, développer des technologies moins énergivores et encourager une innovation alignée aux enjeux écologiques.
En cherchant à affirmer sa volonté de concilier excellence technologique et responsabilité environnementale, la France démontre que le progrès numérique peut, et doit, être au service de la planète.
Innovations pour une IA plus durable
La technologie propose des solutions pour réduire la consommation énergétique de l’IA.
- Améliorer les systèmes hardware : le développement de nouveaux matériaux et de puces plus efficaces permet d'optimiser leurs performances et d'améliorer leur rendement, réduisant ainsi leur consommation énergétique.
- Puces spécialisées : les TPU (Tensor Processing Units) de Google sont jusqu’à cinq fois plus efficaces que les processeurs traditionnels.
- L'edge computing (calcul en périphérie): cette approche décentralisée permet de réaliser des traitements locaux tout en diminuant la transmission de données, et donc la consommation énergétique.
- Des modèles plus petits : au lieu de développer des modèles d’IA toujours plus grands, se concentrer sur l’optimisation des algorithmes sans perdre en précision
- Entraînement de modèles plus intelligents : de nouvelles techniques permettent de réduire le nombre d’itérations et la quantité de données requises pour entraîner les modèles d’IA.
- Utilisation d’énergies renouvelables : en France, les énergies renouvelables représentaient 22,2 % de la consommation finale brute d’énergie en 2023. Un chiffre qui a progressé de plus de 7 points en dix ans. Et d’ici 2030, la part de ces énergies dans la consommation finale brute d’énergie atteindra 33 %.
- Partage de code et collaboration : partager les avancées et les bonnes pratiques au sein de la communauté technologique pour accélérer l'amélioration de l’IA.
Vers un avenir équilibré
La collaboration entre le gouvernement, les entreprises et les citoyens est essentielle pour équilibrer les bénéfices de l’IA avec son impact environnemental. En France, le Plan National Intégré Énergie-Climat (PNEC) constitue une feuille de route vers les objectifs climatiques et énergétiques de l’Union européenne, notamment la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Un cadre essentiel pour favoriser un développement technologique à la fois responsable et durable.
Les nouvelles technologies, comme le calcul neuromorphique (qui imite le fonctionnement du cerveau humain) et les puces photoniques (qui utilisent la lumière au lieu de l’électricité), promettent de réduire la consommation énergétique de l’IA, ce qui trace la voie vers un avenir plus durable.
L’intelligence artificielle est un outil qui nous permet de construire un monde plus efficace et connecté. Néanmoins, son développement doit aller de pair avec une électrification durable qui minimise son impact sur la planète.
De fait, l’IA est aussi une partie de la solution. Une étude d’IBM a révélé que 74% des entreprises d’énergie et des services publiques sont en train d’adopter l’IA pour améliorer l’efficience et réduire son impact environnemental.
De la gestion intelligente des réseaux électriques jusqu’à l’optimisation des datas center, sa capacité à analyser de grands volumes de données en temps réel permet de prédire les pics de demande et ajuster la consommation énergétique de façon plus efficiente.
L’année 2024 a propulsé l’IA générative au cœur des stratégies d’IT durable des entreprises : selon une étude de Google, 74% des entreprises ont déjà obtenu des retours sur investissement substantiels grâce à son implémentation.
L’IA n’est pas un ennemi de l’environnement. Bien encadrée, elle peut devenir une alliée stratégique de la transition écologique. Alors que les technologies évoluent à grande vitesse, leur impact sur la durabilité s’impose comme une priorité pour les entreprises. Reste à savoir comment elles sauront les intégrer de manière responsable pour relever les défis environnementaux de demain.