Comment sont rémunérées les capacités de stockage de gaz naturel ?
L’activité de stockage de gaz est assurée par trois opérateurs en France. Ces opérateurs voient leur revenu encadré par la CRE et tirent leurs ressources via des enchères de capacités de stockages auprès des fournisseurs et via le terme de stockage récupéré auprès des clients finaux. L’organisation des enchères est fixée par le CRE sur proposition des opérateurs.
Fonctionnement des enchères
Calendrier et prix de réserve
Le moment où se déroule l’enchère définit notamment la présence éventuelle d’un prix de réserve. Les enchères ayant lieu avant Novembre N-1 pour des capacités de stockage du 1er Avril de l'année N jusqu'au 31 Mars de l'année N+1 se voient appliquer un prix de réserve égale à :
Px. réserve (N) = max [ spread(N)J - 0,75 ;0 ]
Le spread est calculé via la moyenne de la différence entre les prix TTF Winter (bid) pour l’année N et TTF Summer (ask) de l’année N des dix jours précédents le J. Les calculs sont réalisés via les cotations publiées par ICIS (Independent Commodity Intelligence Services) qui est un fournisseur de cotations en agrégeant les données de transactions de plusieurs sources.
- Les enchères ayant lieu à partir de Novembre N-1 pour réserver des capacités de stockage du 1er Avril de l'année N jusqu'au 31 Mars de l'année N+1 ont un prix de réserve égale à 0€.
- Les enchères de Janvier et Février de l’année N pour réserver des capacités de stockage du 1er Avril de l'année N jusqu'au 31 Mars de l'année N+1ont un prix de réserve égale à 0€. Ces enchères doivent couvrir à minima 50% des capacités de stockages proposées pour l’année N.
Produits proposés aux enchères
Voici les produits offerts par Storengy, le principal opérateur de stockage :
- SERENE Atlantique offre une durée nominale de soutirage de 85 jours
- SERENE Nord offre une durée nominale de soutirage de 85 jours
- SEDIANE Nord offre une durée nominale de soutirage de 50 jours
- SALINE offre une durée de soutirage nominale de 17 jours
Chaque produit se différencie notamment par sa capacité de soutirage journalière plus ou moins élevée. De plus, on note que la capacité de soutirage est aussi fonction du niveau des réserves. Plus les réserves sont élevées, plus la capacité de soutirage se rapproche de la valeur maximale proposée par le produit.
Par exemple, pour le produit SALINE (un produit qui permet de soutirer rapidement des quantités de gaz), la capacité nominale de soutirage est de 58,8kWh/jour et par unité de stockage (une unité de stockage correspond à 1000kWh). Cependant, lorsque le stock n’est rempli qu’à 15%, alors seulement 70% de la capacité de soutirage nominale peut effectivement être soutirée (puisqu’un facteur de réduction de la capacité de soutirage de 70% s'applique), soit 41,1kWh/jour.
De même, chaque produit a également une capacité d’injection associée selon le même mécanisme. Un calendrier de maintenance est publié par l'opérateur, ce qui implique que pour certains jours, un coefficient de réduction de capacités de soutirage ou d’injection soit pris en compte en plus du coefficient associé au produit de stockage selon le niveau des réserves, du fait des opérations de maintenances qui réduisent les capacités de fonctionnement.
Enfin, pour assurer que les réserves soient disponibles en période hivernale, des étapes dans le niveau de remplissage ou « portes » doivent être respectées. Cela signifie qu’à certains jours de l’année, l’état des stocks doit être à un minimum ou un maximum. Tous les produits de chaque opérateur ont au moins une porte dans l'année assurant ainsi un niveau minimal de gaz naturel stocké au début de l'hiver gazier. Selon l’opérateur et les produits, le nombre de portes et les niveaux associés varient et donnent lieu à des produits plus ou moins contraignants en termes de gestion.
Types d’enchères
Les enchères sont de type « fixing », cela signifie que tous les participants transmettent sur un même créneau horaire leurs demandes, et qu’il y a qu’un seul tour d’enchère.
Chaque participant propose un nombre illimité de couples « Prix / Quantité » (prix en €/MWh ; quantité en MWh) en respectant une croissance du prix au MWh à mesure que les quantités demandées diminuent. Un seul prix au MWh par quantité demandée est possible. La capacité demandée ne peut pas être supérieure à la quantité offerte.
Ainsi, chaque demandeur construit sa courbe de demande. La courbe de demande totale est construite via l’agrégation de chaque courbe de demande particulière.
Prix d’adjudication
Le prix d’adjudication est identique pour tous les participants (type « pay as clear »).
Cas 1 : Si la somme des demandes particulières ne permet pas de couvrir le volume mis aux enchères, le prix d’adjudication correspond au prix de réserve et chaque participant se voit attribuer le volume maximal qu’il a demandé.
Cas 2 : Si la somme des demandes particulières est supérieure au volume proposé, alors le prix d’adjudication correspond au prix permettant l’égalisation du volume proposé avec la courbe des demandes agrégés. Dans ce cas, les demandes à un prix supérieur au prix d’adjudication sont entièrement satisfaites. Seulement une partie des demandes au prix d’adjudication sont satisfaites. Le calcul de la proportion de cette demande satisfaite au prix d’adjudication correspond au ratio entre le volume encore disponible, après satisfaction des demandes de volumes pour un prix supérieur au prix d’adjudication, et la somme des demandes au prix d’adjudication.
Exemples
Pour le cas 1, nous imaginons deux participants à une enchère pour la l’allocation de 4000 GWh avec un prix de réserve fixé à 1€. Chaque participant demande comme quantité maximale 1000 GWh au prix de 0€, alors chaque participant recevra 1000GWh et paiera 1€/MWh (c’est-à-dire le prix de réserve). Il reste dans ce cas 2000GWh invendus.
Pour illustrer le cas 2, prenons l’exemple fictif de la mise aux enchères de 4000 GWh avec un prix de réserve nul. Par soucis de simplification on considère qu’il n’y a que deux clients quidemandent les couples (Quantité ; Prix) le tout étant résumé dans le schéma ci-dessous.
Cet exemple correspond au Cas 2 décrit ci-dessus, car la somme de demandes particulières (7 000 GWh) est supérieure au volume proposé (4 000MWh). Le prix d’adjudication permettant l’égalisation de la courbe de demande agrégée avec le volume proposé est de 1€. Les demandes pour un prix supérieur sont satisfaites.
Le demandeur A reçoit donc 3000 GWh car il a demandé cette quantité pour un prix de 1,5€. Pareillement, le client B reçoit 500 GWh car il a demandé ce volume pour un prix de 2€.
Il reste dès lors 500 GWh à répartir entre les demandes faites au prix d’adjudication. Or, seul le demandeur B a fait une demande pour ce prix. En effet, B demande 2000GWh pour un prix d’1€ or étant le seul à faire une demande au prix d’adjudication, il représente ainsi 100% de la demande faite à ce prix et reçoit ainsi 100% des quantités qui restent à attribuer, soit 500GWh.
Finalement, le demandeur A reçoit de cette enchère 3000 GWh de capacité et le demandeur B 1000 GWh. On rappelle que tous les demandeurs quel que soit le volume qu’ils obtiennent à la suite de l’enchère, payent un prix identique égal à 1€/GWh.