Qui sont les acteurs du stockage du gaz naturel en France et quel est leur rôle ?
L’activité de stockage souterrain du gaz naturel est largement encadrée en France. Depuis une réforme du 22 Février 2018, les revenus des opérateurs de stockage souterrain sont désormais régulés.
De plus, il n’y a plus d’obligation de capacité de stockage pour les fournisseurs de gaz naturel.
Cependant, le système de commercialisation des capacités de stockage est construit de manière à maximiser la souscription des capacités de stockage par les fournisseurs auprès des opérateurs de stockage.
Le cadre règlementaire : état des lieux
Il existe en France trois opérateurs historiques : Storengy (filiale d’Engie), Téréga et Géométhane, dont la capacité de stockage totale est évaluée à 128TWh pour 2021 en France Métropolitaine.
Avant la réforme de 2018, la loi imposait aux fournisseurs de gaz naturel de souscrire à des capacités de stockage de gaz naturel. Cette loi amenait à ce qu’environ les deux tiers des capacités de stockage des trois opérateurs devaient obligatoirement être achetées par les fournisseurs de gaz naturel.
La loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 prévoit dans son article 12 la régulation des revenus des opérateurs de stockage, via la commercialisation des capacités encadrées par la CRE et la création d’un terme tarifaire de stockage intégré à l’ATRT (Accès des Tiers aux Réseaux de Transport).
Cette nouvelle règlementation poursuit plusieurs objectifs comme le rappelle la CRE dans sa délibération n°2018-68 : « La mise en place de l’accès régulé des tiers aux stockages souterrains de gaz naturel a pour objectif de garantir le remplissage des stockages nécessaire à la sécurité d’approvisionnement, tout en apportant de la transparence quant aux coûts du stockage et en supprimant la complexité liée au système précédent d’obligations individuelles de stockage. Par ailleurs, l’introduction d’une régulation des revenus des opérateurs vise à assurer que le consommateur final paie le juste prix pour le stockage nécessaire à la sécurité d’approvisionnement ».
Le nouveau cadre règlementaire
Dorénavant c’est la CRE qui fixe le revenu autorisé de chacun des trois opérateurs de stockage. Ce revenu se base sur leur base d’actifs régulés (BAR), c’est-à-dire, l’ensemble des actifs mis en service par les opérateurs dans le cadre de l’activité régulée, en l’occurrence l’activité de stockage de gaz naturel.
La CRE fixe également un taux de rémunération normatif du capital à hauteur de 5,75% (WACC). Ce taux permet, par exemple, de calculer la rentabilité économique d’un projet d’investissement qui pourrait intervenir dans le cadre de l’entretien ou la maintenance des sites de stockage.
Chaque opérateur se voit donc fixer un revenu autorisé pour chaque année civile. Il est évalué par la CRE à partir d’éléments financiers fournis par les opérateurs. Par exemple, pour l’année 2021, le revenu autorisé de Storengy est fixé à 447,1M d’€. Ce revenu autorisé est financé, d’une part, via la commercialisation des capacités de stockage auprès des fournisseurs et, d’autre part, via une compensation directement collectée auprès des consommateurs finals à travers le gestionnaire de réseau. Cette compensation est le terme tarifaire de stockage.
Commercialisation des capacités de stockage
La commercialisation des capacités de stockage se fait via des enchères auxquelles participent notamment les fournisseurs de gaz naturel. Ces enchères permettent de réserver des capacités de stockage pour une année gazière.
Le type d’enchère ainsi que les prix de réserves pour chaque produit sont fixés par la CRE sur proposition des opérateurs de stockage. Des enchères ont lieu tout au long de l’année civile et portent sur les capacités de stockage des prochaines périodes hivernales. Il se peut que certaines capacités soient réservées plusieurs années en amont par les fournisseurs (dans le cadre d’enchères pluriannuelles).
Les produits proposés aux enchères peuvent offrir une flexibilité plus ou moins grande en termes de capacité journalière de soutirage, ou encore de niveau de remplissage selon le moment de l’année. Cependant, tous les produits sont construits de façon à assurer un taux de remplissage minimum des capacités de stockage au début de la période hivernale.
Les recettes de ces enchères ne permettent pas en général de couvrir l’ensemble du revenu autorisé aux opérateurs de stockage par la CRE. Il convient dès lors de calculer une compensation qui sera demandée aux consommateurs finaux via le terme de stockage.
Détermination du terme tarifaire de stockage
La compensation correspond à la différence entre les revenus autorisés et les recettes commerciales issues des enchères. La compensation est divisée par l’assiette de compensation et donne le terme de stockage tel que :
TTS = (Revenus autorisés-Recettes commerciales) / (Assiette de compensation)
On y distingue la période hivernale de la saison estivale dans une année gazière. Le changement de saison s’effectue au 1er avril, et c’est à cette date que le TTS évolue.
Montant de la compensation :
Le revenu des opérateurs étant lui calculé pour une année civile (noté N), on lui retranche plusieurs éléments afin de déterminer le montant de la compensation :Les recettes de ces enchères ne permettent pas en général de couvrir l’ensemble du revenu autorisé aux opérateurs de stockage par la CRE. Il convient dès lors de calculer une compensation qui sera demandée aux consommateurs finaux via le terme de stockage.
La somme perçue par les opérateurs lors des enchères s’étant déroulées durant le premier trimestre de l’année N
La somme perçue lors de la collecte du terme tarifaire de stockage (de l’année gazière N-1 à N) durant le premier trimestre de l’année N
La somme estimée que recevront les opérateurs suites aux enchères qui se dérouleront lors de des trois derniers trimestres de l’année N.
Concernant le calcul de l’assiette de compensation, il s’agit d’une estimation de la CRE. Cette estimation se base sur la somme de la modulation hivernale des clients reliés au réseau de distribution tel que :
Modulation client (MWh/j) = Max (0; CJN - ( CAR/365 ) - Int)
Calcul modulation clients en distribution (Source : CRE)
Avec :
la CJN correspondant à la Capacité Journalière Normalisée et la CAR à la Consommation Annuelle de Référence.
Int : pour Interruptibilité. Correspond à une capacité que le client peut éventuellement déclarer comme interruptible et qui est donc déduite de la différence de consommation hiver-été puisque cette capacité sert aussi à sécuriser l’approvisionnement.La somme estimée que recevront les opérateurs suites aux enchères qui se dérouleront lors de des trois derniers trimestres de l’année N.
En 2021, les clients reliés au réseau de transport sont également ajoutés à cette assiette, leur modulation est calculée telle que :
Modulation client au 1er avril N (MWh/j) = Max (0; Mfav4 - Int)
Où:
Mfav4 est la moyenne des 2 modulations annuelles les plus basses des 4 années précédentes, soit les années N-4 à N-1. Pour chacune des années considérées, le calcul de modulation est le suivant:
Modulation annuelle N (MWh/j) = Max (0; (Consommation hiver / 151) - (Consommation annuelle / 365) )
Avec:
- Consommation hiver: consommation du site du 1er novenbre N-1 au 31 mars N.
- Consommation annuelle: consommation du 1er novembre N-1 au 31 octobre N.
Calcul modulation des clients en transport (Source: CRE)
Nous pouvons remarquer qu’il y a un décalage entre le revenu autorisé basé sur l’année civile et le terme de stockage basé sur l’année gazière. De fait, seulement les trois quarts de la somme des modulations des clients en distribution et transport sont retenus pour calculer le niveau de l’assiette de compensation (car trois mois de l’année gazière ne sont pas dans l’année N).
Application pour 2021
Un récapitulatif chiffré pour l’année 2021 dans les tableaux ci-dessous, basé sur les données publiées par la CRE dans sa délibération n°2021-52.
Revenu lié aux enchères ayant eu lieu au T1 2021 (M€) | -123,3 |
---|---|
Revenu (réel) du terme de stockage de l’année gazière 2020-2021 perçu au T1 2021 (M€) | -43,3 |
Revenu (estimé) des enchères qui auront lieu au T2,T3 et T4 2021 (M€) | -191,8 |
Montant de la compensation (M€) | 308,5 |
Somme (estimée) des modulations pour l'année gazière 2021-2022 (GWh/j/an) | 2222 |
Assiette de compensation (GWh/j/an) | 1667 |
Ainsi, le terme tarifaire de stockage pour l’année gazière 2021-2022 sera de 185,11€/GWh/j/an.
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